Mémoires de la vie du village dans les années 80

Jean Karkalatos4 Février 2024

La vieille maison au village

J'ai eu la chance de passer mes étés d'enfance dans mon village à Kyveri en Argolide avec mes grands-parents. Dès la fermeture des écoles je quittais immédiatement Athènes pour passer les vacances sans soucis comme il se doit pour un petit enfant.

Dans l'esprit d'un petit enfant le monde est simple et le village lui donne tout ce qu'il demande: le quartier, les enfants qui se rassemblent la nuit pour jouer, la campagne pour explorer, les amis vivent très proches les uns des autres et c'est très facile de les voir, vous allez vous baigner à pied sans stress, vous pouvez aussi rendre visite aux proches si vous n'avez rien à faire.

La maison est une vieille maison en pierre avec une grande cour avec des mûriers, des vignes, des pots et des plantes. La grand-mère en tant que femme au foyer s'occupait de la nourriture et des tâches ménagères. Parce qu'il y en avait beaucou, elle m'encourageait à me lever tard, même à l'heure du déjeuner. Elle devait pétrir le pain le matin, laver les vêtements à la main, préparer à manger et s'occuper du grand-père avec des médicaments, des vêtements, etc. Le seul travail que je faisais était d'aller à la boulangerie et à l'épicerie. Le grand-père ne faisait pas le ménage, peut-être à cause de son âge. Nous allions parfois sur le champ ensemble.

Le grand-père est né en 1908. Pour ceux qui aiment les vieilles histoires il convient de mentionner l'histoire de ses parents qui est assez intéressante. Son père, c'est-à-dire mon arrière-grand-père, s'était marié et avait une fille. Sa femme est décédée très tôt. Il s'est remarié avec la mère de mon grand-père et a immigré aux États-Unis de son propre chef après la naissance de mon grand-père. C’était l’époque de la colonisation de l’ouest des États-Unis et il y avait une énorme vague d’immigration. Malheureusement il est mort sur le bateau et a été jeté par-dessus bord. D'après ce qu'on m'a dit il est mort d'une carence en vitamines. D'après ce que j'ai lu, les décès étaient fréquents au cours de ce long voyage et de plus, les conditions du voyage étaient bien pires que celles de la troisième classe du Titanic.

Le grand-père a grandi avec sa mère et sa demi-soeur dont les parents étaient tous deux décédés. Le grand-père s'est marié vers 1930 mais la femme est décédée en couches avec l'enfant. Il s'est remarié après la guerre ma grand-mère en 1951. La grand-mère est née en 1928 et elle aussi était orpheline. Le grand-père avait une connaissance qui connaissait sa famille et il est partit avec la recommandation d'Argolide d'aller à Mérope en Messénie pour la prendre comme épouse. Alors dès qu’ils se sont rencontrés ils se sont marié ! Le style de grand-père se situe entre les années 1930 et 1950. Il portait une chemise, un cardigan, une veste, un chapeau croisé et un pantalon à l'ancienne. C'est ainsi que je me souviens de lui.

Donc ce sont les vieilles histoires, continuons avec la mienne! Le village était alors très animé car l'agriculture et l'élevage apportaient des revenus. Les gens avaient de l’argent à dépenser mais la vérité est que la vie comportait peu de nécessités. Les enfants n’allaient pas à l’université et n’apprenaient pas de langues étrangères. Ils portaient des vêtements rapiécés et personne n’a mal compris. Il n’y avait pas non plus d’incertitude quant à savoir s’il y aurait un travail demain ou ce que les enfants feraient dans la vie. Même s'ils travaillaient sur les marchés publics il y avait un salaire journalier.

Un de mes oncles avait un troupeau de moutons qui traversaient la rue tous les jours en laissant une couche de fumier. Son corral se trouvait sur la montagne que je visitais fréquemment avec un de mes cousins. Je le regardais les traire, les abreuver et leur mettre du foin à manger. L'exploration de la montagne était notre activité préférée, nous allions aussi aux casemates allemandes de la Seconde Guerre mondiale et à un gouffre où les villageois jetaient les animaux morts et il y avait plusieurs squelettes à l'intérieur.

Le programme quotidien prévoyait de nager le matin, puis de rentrer à la maison pour manger les plats copieux et pleins d'huile de grand-mère et de dormir à midi. L'après-midi je me promenais sur la montagne ou je jouais avec les enfants du quartier. Le soir je mangeais des frites. À la fin de la décennie lorsque j’avais 10 ans, je passais beaucoup de temps dans les cafés à regarder d’autres enfants jouer à des jeux électroniques. Je n'étais pas bon et je ne jouais pas, mais j'aimais regarder les joueurs expérimentés. Shinobi, Saban et Bubble Bubble étaient ceux qui étaient joués à l'époque. La nuit, je jouais à cache-cache avec les enfants du quartier. Mais celui qui gardait était un imbécile car tout le monde se perdait dans le village et il était impossible de les retrouver.

À cette époque les gens soutenaient fortement les partis politiques. Mon grand-père regardait les combats marathon entre Mitsotakis et Papandreou au Parlement. Lorsqu’il y avait des élections il jouait aux cartes pour savoir qui allait gagner. Bien sûr le village avait le café vert et le café bleu mais heureusement à une distance sûre pour qu'il n'y ait pas d'émeutes. L'attraction du village était l'organisation locale du parti politique PASOK qui était recouverte d'un bout à l'autre d'affiches d'Andreas Papandreou.

J'y allais aussi à Noël. Nous étions tous réunis dans la cuisine où brûlait le poêle, qui servait de chauffage, de four et de sèche-linge. Grand-mère avait toujours une grande théière avec de l’eau dessus donc elle avait toujours de l’eau chaude. Le temps s'écoulait paisiblement et agréablement avec du pain grillé et des olives. Toutes les maisons avaient alors des poêles car le radiateur n'était pas répandu.

La Pâques était l'occasion de rencontrer des proches. Les familles se réunissaient chez une tante pour déguster le traditionnel agneau à la broche accompagné de nombreux plats faits maison, accompagné de danses et de beaucoup de divertissement.

En terminant l'article, je veux dire à quel point j'ai eu de la chance de passer suffisamment de temps dans un environnement humain et innocent comme mon village.